Le Cycle de l’éclair
Élaine Audet
illustré par Jeannine Bouret
Éditeur: Éditions Le Loup de Gouttière
Année de parution : 1996
Nombre de pages : 95
Dans ce recueil, l’auteure rassemble des poèmes qui allient clairvoyance, passion et sensualité. "Le Cycle de l’éclair, divisé en six parties, est porté par un mouvement de transformation. De sa révolte contre la mutilation de la parole des femmes au douloureux souvenir du massacre de Polytechnique, elle appelle la naissance d’un temps de l’amour." (Raymond Bertin, Voir, Montréal, 7 novembre 1996).
"Pouvons-nous encore aimer, nous unir pour retrouver l’inextinguible jeunesse de la lune, la rousseur de son désir qui fait pâlir le soleil en son zénith ? Notre langue, nos mains, notre mémoire grandiront-elles sur la cendre des livres et les ruines de l’histoire ? Naîtront-elles enfin ces filles de lumière et d’éclairs, de tant de cadavres d’amoureuses dans les sous-sols de la pensée et de folles enfermées dans les greniers de l’ambition ?", écrit Élaine Audet.
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L’Action nationale - Vol. LXXXVIII, # 1, janvier 1998, p. 113-115.
Le Cycle de l’éclair d’Élaine Audet
par François Patenaude
S’adonner à la lecture de poèmes est un exercice à la fois facile et périlleux. Facile parce que le lecteur n’a qu’à se laisser porter par la force des mots. Périlleux parce qu’interpréter, voire simplement s’immiscer dans l’univers d’un auteur est plus compliqué. Jusqu’où peut-on entrer dans l’univers d’un poète ? Si un lecteur traverse un livre de poésie sans s’y enfoncer, si la surface des pages reste imperméable à sa déambulation, alors il n’a fait qu’une promenade au pays des mots. Si, par contre, il sent se dissoudre la barrière du papier sous ses pieds et que lentement ses chevilles sont submergées par une nouvelle réalité, alors il baigne dans la poésie. Mais la question demeure entière : jusqu’où peut-on entrer dans l’univers d’un auteur ? Jusqu’à hauteur des genoux ? Plus haut, plus bas ?
Les pages du Cycle de l’éclair ont été souples sous la pression de mes pas et je me suis fondu rapidement dans l’univers de l’auteure.
Élaine Audet est de ces poètes pour qui la poésie, bien qu’elle soit une nourriture de l’âme, tire sa substance de la réalité. Dans son recueil, où les femmes occupent la première place, nous sommes accueillis par un nom d’Amazone où « un désir de lumière courait dans les gènes comme une soif inextinguible ». La mythologie se manifeste également dans les filles de Déméter où l’auteure s’interroge : « Naîtront-elles enfin, ces filles de lumière et d’éclairs, de tant de cadavres d’amoureuses dans les sous-sols de la pensée et de folles enfermées dans les greniers de l’ambition ? » La réponse contient une part d’ombre. Car si on peut lire plus loin « nous sommes de la lignée subversive des inoublieuses, ardentes multiplicatrices d’énergie heureuse. Soustraites de l’histoire, nous annonçons le temps de l’amour, nos doigts créateurs dans la vibrante crinière du temps », un autre poème, ode aux sur-vivantes, rappelle, lui, le sort tragique des 14 jeunes femmes assassinées par un soir de décembre 1989 à la Polytechnique de Montréal.
Chez madame Audet les dimensions poétiques et politiques se rejoignent. Cela lui fait souhaiter « la saison de l’appartenance ». Cette cinquième saison, qui nous verra sortir de notre état de colonisés. « Vienne la libre saison des vivants brisant les codes et les lois contre les paradis réducteurs, toujours venus d’ailleurs pour acheter notre âme avec des miroirs de pacotille ». OUI, vivement la cinquième saison « l’attendue inattendue fendant la mer de nos défaites pour que les dépaysés à la langue coupée que nous sommes devenus abordent l’autre rive d’eux-mêmes ».
Le Cycle de l’éclair c’est aussi l’amour,l’amitié, et toutes ces choses dont l’auteure nous entretient en des phrases aériennes et dépouillées, mais lourdes de sens ; des enclumes déguisées en oiseaux.
À la question, jusqu’où peut-on entrer dans l’univers d’un auteur ? Je réponds : cela dépend... mais dans l’univers d’Élaine Audet, je suis entré jusqu’à hauteur du cœur.
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